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La Campagne de France en Alsace

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La Campagne de France en Alsace Empty La Campagne de France en Alsace

Message par La Poudre Dim 18 Nov 2007 - 21:06

Tout bambin encore, assis sur les genoux de mon grand-père, j'écoutais
attentif et ravi, pendant les heures de la veillée, les contes, les
légendes qui se redisent au foyer du montagnard. Heures si douces de
l'enfance, heures d'extase et de recueillement, pendant lesquelles, les
gnomes, les farfadets, les Celtes et les Romains, les preux chevaliers,
les héros en guenilles ou les vieux de la vieille défilaient devant mes
yeux émerveillés.


Les hivers ont succédé aux printemps, et, arrivé au déclin de la vie, mon coeur ému évoque ces récits d'antan.



J'ai choisi dans cette gerbe de souvenirs une anecdote dont le Donon,
ainsi que ses environs immédiats, fut le théâtre et mon grand-père
l'acteur principal. C'était pendant la campagne de France, en 1814!


Mon grand-père, enfant de la Vallée de la Bruche, avait fait toutes les
campagnes de la République, du Consulat et de l'Empire, comme officier
de cavalerie. Il avait servi successivement comme aide de camp dans les
états-majors du duc de Trévise (et du prince de Ponte Corvo). Les
suites d'une grave blessure, reçue pendant la campagne de 1809,
l'avaient forcé prématurément de quitter le service actif. Il était
revenu dans son pays d'origine, continuant à servir sa patrie dans les
fonctions d'inspecteur des forêts.


C'est au milieu de ces agrestes occupations que les événements de 1814
vinrent le surprendre. Profondément touché par les malheurs de la
France, mon grand-père, qui venait de se marier et avait un tout jeune
bébé, n'hésita pas à quitter ceux qui lui étaient si chers, pour
reprendre du service. Nanti d'une commission de major, commandant un
régiment de chasseurs forestiers des Vosges, il avait recruté dans son
personnel de forestiers, de gardes, de sagars, de bûcherons, voire même
de braconniers, presque tous anciens militaires, le noyau d'une troupe
destinée à garder et défendre les cols et passages des Vosges, à
inquiéter les communications de l'ennemi, s'emparer de ses convois,
détruire ses reconnaissances, en un mot faire la guerre de partisans.

Le gouvernement avait distribué nombre de commissions à
d'anciens officiers qui levèrent d'autres corps francs, dont
quelques-uns inscrivirent de leur sang une page brillante dans les
annales de l'histoire contemporaine.


Par malheur, la rapidité avec laquelle les événements de cette néfaste
campagne se précipitèrent, entrava l'organisation, l'armement et
l'équipement de ces corps.

Malgré leur audace, leur courage, leur patriotisme, ce défaut
de préparation ne permis pas aux partisans de donner à la défense du
sol envahi tout ce que l'on pouvait attendre d'eux.


Mais revenons à mon grand-père. Sa troupe à peine recrutée, il se mit
en campagne; le point de rassemblement était à la maison forestière du
Hengst, dans le massif du Grossman. Au petit jour, trois cents hommes
environ, de tout âge et de toutes professions, se rassemblèrent en
silence, le courage, l'énergie se lisaient sur leurs figures
expressives. Cette réunion de guerriers improvisés, si elle manquait un
peu de l'allure d'une troupe régulière, offrait par contre un aspect
des plus pittoresques, entourée qu'elle était par le cadre unique d'un
admirable paysage d'hiver. L'uniformité de la tenue laissait quelque
peu à désirer; on y voyait de tout, depuis l'uniforme du garde
national, du douanier, du forestier, jusqu'à la blouse bleue du sagard
et la veste de velours du chasseur.


L'armement était à l'avenant, fusils de munition, fusils de chasse,
mousquets, carabines, enfin plusieurs fusils de remparts destinés à
tenir lieu d'artillerie de montagne. Ces massifs engins fixés sur
pivots étaient montés sur des schlittes qui leur servaient d'affût. De
jeunes garçons s'attelaient à la bricole et traînaient ce canon d'un
nouveau genre, à travers les chaumes, les bruyères et les rochers; deux
hommes manoeuvraient la pièce.


La batterie était commandée par un sagard de la basse de Netz, ancien
sous-officier d'artillerie. - Hans Aloïs de Barenbach, plus connu sous
le sobriquet de Rouge Bounot, était un fort brave homme et un homme
excessivement brave, d'un courage calme et la nature l'avait doué de
muscles d'acier et d'une vue aussi perçante que celle de l'aigle. Tout
était rouge chez lui, le poil, la peau et le bonnet de renard fauve qui
couvrait son chef. Le nez surtout, en raison d'une absorption
considérable de tabac à priser et aussi d'une série non interrompue de
coups de soleil, brillait comme un tison incandescent avec des reflets
de rubis.

Sur un signe de son chef, la troupe, prenant la file
indienne, se mit en marche pour atteindre, en suivant les crêtes, les
passages qu'il s'agissait de défendre dans le massif du Donon.


La lutte fut sanglante; cette poignée de braves combattit pendant six
jours et six nuits contre tout un corps d'armée; défendant pied à pied
tous les points accessibles de cette partie de la chaîne des Vosges,
passant toujours en combattant d'un sommet à l'autre; descendant dans
les vallées, remontant les basses et causant à l'adversaire le plus de
mal possible. L'artillerie du Rouge Bounot fit merveille! Mais que
pouvaient ces quelques hommes déjà décimés par la mort contre la masse
sans cesse grandissante de l'envahisseur.


Les partisans bientôt menacés d'être entièrement enveloppés et
anéantis, durent songer à leur salut; ils n'avaient plus d'autre
ressource que de s'égayer comme les Vendéens dans le Bocage; de passer
par petits groupes entre les divers détachements de l'ennemi, en
suivant les sentiers les plus ignorés de la chaîne, afin de rejoindre
le gros de l'armée, en retraite sur la Champagne.


Au moment où l'ordre allait être donné de cesser le combat, et de se
disperser, le Rouge Bounot s'approchant de mon grand-père lui dit: "Monsieur l'inspecteur, j'ai encloué mes pièces! II n'y a plus
rien à faire ici: nous sommes tournés et pris à revers par toutes les
basses de Ravon et du Blancrupt ; dans dix minutes les Bavarois nous
prendront comme renards en terrier"
et pendant que le sagard
parlait, les balles tombaient comme grêle, et les hommes aussi,
frappés, foudroyés de toutes parts. Alors sur un dernier signal du cor
de chasse, tous les survivants disparurent à travers les fougères et la
futaie; la lutte était terminée, il était huit heures du matin!

_________________
"...Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, souriant à la mitraille anglaise, la Garde Impériale entra dans la fournaise ..."  ( V. HUGO)

"... Un homme n'est jamais aussi grand, que lorsqu'il s'agenouille, pour aider un enfant ..."

"... Il dort, quoique la vie, pour lui, fut bien étrange, il vivait. Il mourut lorsqu'il n'eut plus son ange. La chose se fit doucement, pas à pas, comme vient la nuit lorsque le jour s'en va ..." (V.HUGO. Les Misérables)
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La Campagne de France en Alsace Empty Re: La Campagne de France en Alsace

Message par Invité Dim 18 Nov 2007 - 22:47

Celà mérite le respect, ces hommes ont résistés du mieux qu'ils pouvaient et ce jusqu'au bout.

Merci de nous avoir fait partager ce fait d'armes, des gens de ton Pays.
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