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le colonel Michel Combe

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le colonel Michel Combe  Empty le colonel Michel Combe

Message par Invité Dim 4 Déc 2011 - 15:46




Michel Combe est né à Feurs le 19 octobre 1787, fils de Sébastien Combe et de Marie Julien. Il y a chez les Combe une forte tradition du métier des armes. Son père et plusieurs de ses oncles servent, d'abord dans l'armée du roi, puis dans celles de la République et de l'Empire.
Les études que fait le jeune Michel Combe sont courtes, puisqu'il s'engage à quinze ans et demi, mais sans doute assez bonnes à en juger par les lettres que nous avons de lui : écriture aisée, prolixité, très peu de fautes d'orthographe...
Le 8 mars 1803, comme simple soldat, il rejoint son père alors chef de bataillon au 25e régiment de ligne. Les premiers chevrons sont rapidement gagnés : le 22 mars, il est caporal, le 25 mars, fourrier, le 27 avril 1805, sergent-major, le 1er mars 1807, adjudant. Le 7 juin 1809, il est sous-lieutenant, le 10 juin 1811, lieutenant, le 6 décembre de la même année adjudant-major. Remarqué par ses chefs, il quitte le 25e régiment de ligne pour des formations plus prestigieuses : le 10 juin 1812, il devient lieutenant aux Grenadiers à pied de la Garde Impériale, puis capitaine adjudant-major au 135e régiment d'infanterie de ligne.
Le 3 avril 1814, il est capitaine aux grenadiers à pied de la Garde impériale avec rang de chef de bataillon et le 13 avril 1815, il suit l'Empereur à l'île d'Elbe comme officier du bataillon Napoléon. Il rentre en France avec lui et sert comme lieutenant-colonel au 1er régiment de grenadiers Vieille Garde. Il participe à la campagne de France et commande le 2ème bataillon du 1er régiment de grenadiers de la garde impériale à Waterloo.

Avec le retour des Bourbons, cette fidélité à Napoléon Ier lui vaut quelques difficultés. A 28 ans est stoppée une brillante carrière militaire.
Il se retira à Feurs, avec le grade de lieutenant. La Restauration lui fit des avances ; elle aurait voulu compter parmi ses défenseurs une épée aussi fidèle ; mais cette épée était d'une trempe à ne pouvoir servir deux maîtres. Son refus et une odieuse dénonciation lui suscitèrent quelques tracasseries politiques. Il fut interné à Montbrison. Fatigué de cet état de suspicion, il revint secrètement à Feurs.
Impliqué dans le procès du général Mouton-Duvernet, il devint l'objet de recherches actives ; fort toutefois de sa conscience, il se rendit à Paris et se constitua prisonnier. Grace aux actives démarches de Mademoiselle Elisa Walker, fille d'un colonel anglais retiré en Amérique, Combe vit s'ouvrir devant lui les portes de sa prison ; mais à une condition bien douloureuse pour son cœur, s'expatrier. Il se retira en Amérique, épouse la belle le 18 juin 1813.
Le maréchal Canrobert, qui, jeune officier, a servi sous ses ordres, indique que Combe s'est exilé au Texas, auprès du général Lallemant fondateur du champ d'Asile, colonie de proscrits bonapartistes.

Combe se plaît-il dans le nouveau monde ? Le fait est qu'il garde la nostalgie du métier des armes. La révolution de 1830 lui fournit l'occasion de rentrer en France. Certes il y retrouve un roi, Louis-Philippe Ier, mais le drapeau est redevenu tricolore. Combe se met au service du régime et obtient, le 24 décembre 1830, la confirmation de son grade de lieutenant-colonel au 24e régiment de ligne. Devenu colonel, le 14 décembre 1831, il prend le commandement du 66e régiment de ligne.
Michel Combe a alors quarante-quatre ans et se trouve dans une condition physique excellente. "C'était, nous dit Canrobert, un fort bel officier, jeune de tournure malgré son âge ; il avait les yeux noirs, très vifs, les cheveux également noirs, et portait une moustache presque imperceptible, avec de petits favoris...". Il est surtout très impatient de rattraper le temps perdu. L'expédition d'Ancône va lui en donner l'occasion.
Le 7 février 1832, il s'embarque à Toulon avec deux bataillons de son régiment pour Ancône, port des Etats pontificaux sur l'Adriatique. Une division navale comprenant trois bâtiments : le "Suffren", l'"Artémise" et la "Victoire" emporte 1 100 hommes. Il s'agit de précéder les Autrichiens que le Saint-Siège appelle à l'aide pour mater un soulèvement en Romagne. Le débarquement a lieu dans la nuit du 22 au 23 février. Le 23, à midi, les soldats pontificaux sont désarmés et la ville est prise. Combe ne s'arrête pas là et lance un ultimatum au commandant de la citadelle lui laissant le choix entre la reddition ou l'assaut. La place tombe aux mains des Français. La simple démonstration militaire devient le début d'une conquête. Michel Combe a dépassé sa mission et rêve de libérer toute la péninsule, de reprendre l'épopée napoléonienne. Il indique lui-même quel était, alors, son état d'esprit :

...J'aurais marché sur Rome. Partout on m'aurait accueilli comme un libérateur ; de toutes parts les insurrections auraient éclatés ; on se serait soulevé, on aurait chassé tous les princes, on aurait proclamé la République... Les fils de Louis-Napoléon avaient soulevé la Romagne ; les gendres de Murat, Pepoli et Rasponi, Bologne et les Légations. J'étais sûr de mon coup. Qu'aurait pu faire l'Europe en présence de tout un peuple enthousiaste proclamant sa liberté ?
Mais les temps ont changé et il n'a pas sous ses ordres les grognards de la Vieille Garde : "je n'avais avec moi qu'un régiment composé d'officiers et de soldats de l'ancienne garde royale. Je ne pouvais pas assez compter sur mes officiers et mes hommes".
Combe est trop autoritaire et exalté. Le dossier du colonel nous révèle un incident significatif, toujours passé sous silence, qui se produit quelques jours plus tard :

Se trouvant avec son régiment en garnison à Ancône, le Colonel Combe, dans un accès de colère, s'oublia au point de donner un soufflet à un chef de bataillon qui le lui rendit aussitôt. Cette scène scandaleuse ayant été portée à la connaissance du Ministre, par un rapport du général Cubièze, Son Excellence ordonna que M. Combe serait réprimandé et mis aux arrêts.

Michel Combe est rappelé à Paris, officiellement pour avoir trop bien réussi la démonstration d'Ancône, en fait à cause d'un comportement intempestif. Déjà, à l'état-major, on se demande quel emploi l'on pourra donner au bouillant colonel.
A la suite de cette affaire, le 3 avril 1832, Michel Combe passe du 66e régiment de ligne au commandement de la Légion étrangère qui vient justement d'être constituée à Alger . La Légion forme alors un seul corps fort de 2 700 hommes réunis en quatre bataillons.
Très indépendant, d'une grande susceptibilité, il se heurte vite aux autres chefs de corps, ses pairs, et même à ses supérieurs à propos d'incidents minimes qui se produisent inévitablement entre les soldats des différents régiments dans une grande ville de garnison comme Alger. Ainsi un légionnaire est surpris à voler dans le dépôt de foin de Hussein-Dey et arrêté par les employés du magasin. Surviennent quelques camarades légionnaires en armes qui le délivrent. Pour éviter le renouvellement de tels larcins, le général Dalton, commandant de la division d'Alger, demande à la Légion étrangère de participer à la garde des magasins d'Hussein-Dey en fournissant un caporal et quatre fusiliers. Combe refuse hautement en écrivant que jamais ses hommes ne seraient "garde-écurie d'un autre corps" et il demande à être relevé de son commandement. Il est mis aux arrêts et l'affaire remonte jusqu'au Ministère.
On se pose aussi des questions sur la façon dont il commande son corps. Le général comte Dalton écrit à ce sujet :

M. Combes est l'homme le plus jaloux de son autorité ; et cependant le moins subordonné ; il est violent, emporté, passionné. Avant son arrrivée, la Légion était plus en ordre que maintenant ; le lieutenant colonel d'Arracq, soutenu par le général Feuchères, était parvenu à établir l'union parmi les officiers italiens qui étaient fort divisés ; le Colonel a su ranimer les haines mal éteintes et l'esprit de coterie. M. Combes a sûrement de la bravoure, et mènerait bien son régiment au combat ; mais je suis convaincu qu'il n'est pas propre à commander un régiment, et moins la Légion étrangère qu'aucun autre corps.
Des biographes plus indulgents disent simplement à propos de son séjour à la Légion que ces conflits étaient inévitables car ils opposaient de remuants officiers de l'ancienne armée impériale à ceux de la nouvelle armée royale plus timorés.

C'est dans ce contexte que se place "l'affaire François Zola". A la Légion étrangère, Michel Combe trouve, sous ses ordres, un officier vénitien, le lieutenant François Zola, le père d'Émile Zola. François Zola a déjà derrière lui une vie mouvementée. De 1812 à 1815 il avait servi, comme sous-lieutenant d'artillerie à cheval dans l'armée du prince Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie, avant de devenir ingénieur civil et d'effectuer divers métiers. En 1831, il soigne les malades atteints du choléra à l'hôpital d'Alger et, à trente-six ans, s'engage dans la Légion.
En 1832, le lieutenant Zola s'éprend de l'épouse d'un sous-officier de la Légion, d'origine allemande, Fischer, qui est le fourrier du corps. Ce dernier devant être rapatrié, François Zola supplie sa maîtresse de rester en Afrique et, entraîné par sa passion, commet une grave indélicatesse : il puise une somme importante dans la caisse du magasin d'habillement de la Légion pour la remettre à la dame Fischer. Mais Mme Fischer s'embarque pour Marseille. Il s'en suit une tentative de suicide de François Zola qui, finalement, se constitue prisonnier. L'argent est rendu.
Le lieutenant Zola, bénéficiant de l'appui d'un de ses parents, le général comte de Loverdo, n'est pas traduit devant le conseil de guerre. Il doit seulement démissionner, à la grande colère du colonel Combe qui réclame un châtiment exemplaire. François Zola quitte l'armée le 4 novembre 1832. Ces faits seront rappelés, en 1898, en plein cœur de l'affaire Dreyfus. Avec la complicité du chef du Service de Renseignements de l'armée, le colonel Henry, deux lettres du Colonel Combe accusant formellement François Zola sont transmises à Ernest Judet, du "Petit Journal", qui les publie immédiatement avec la ferme intention de faire du tort à Emile Zola. Ernest Judet, pour qui tout bois sert à faire des flèches, profite de l'occasion pour faire, dans une suite d'articles, l'apologie du "vaillant colonel Combes". Cela ne change d'ailleurs rien - et c'est heureux - au cours des choses mais c'est ainsi que, bien involontairement, Michel Combe est intervenu dans la fameuse affaire.

Finalement Combe quitte la Légion avant Zola puisque après ces péripéties africaines, on lui confie, le 18 octobre 1832, le commandement du 47e régiment de ligne, alors caserné à Perpignan. C'est un homme aigri qui se retrouve dans une paisible garnison de province. Comment va-t-il se comporter dans ses nouvelles fonctions ?
Lors de sa nomination, il adresse au 47e un ordre du jour flamboyant, tout dans le style des proclamations de l'armée impériale :

Mes camarades,
Je me félicite d'avoir été placé à votre tête : des soldats tels que vous ne peuvent qu'honorer la patrie : continuez à vous distinguer par votre discipline, votre belle tenue, votre obéissance, votre instruction et les bonnes mœurs que doivent avoir des citoyens appelés à faire aimer et respecter la liberté... Prenez pour devise : Courage et constance...
Mes amis, ne soyons terribles qu'à ceux qui haïssent la France ; et si, dans leur délire, ils osaient la provoquer, le 47e saurait, en faisant résonner leurs baïonnettes sur leurs poitrines, prouver que nous sommes des enfants et des soldats patriotes.

Dès son arrivée au régiment, il va rendre la vie dure à ses hommes leur demandant une obéissance absolue et des efforts physiques démesurés. Citons encore, à ce propos le maréchal Canrobert qui, quoique un de ses fervents admirateurs, écrit : Il avait certaines manies bizarres : ainsi il affectionnait les exercices au pas de gymnastique. Souvent il faisait courir son régiment pendant un temps illimité, quitte à esquinter son monde. Les officiers eux-mêmes sont contraints de participer à ces exercices, quels que soient leur âge et grade.

Surtout il dédaigne superbement le règlement, un règlement si important pour une troupe en garnison et qu'il connaît mal, ne l'ayant jamais pratiqué, lui qui avait fait toutes ses classes, sur les champs de bataille de l'Empire. De plus il supporte très mal l'autorité de ses supérieurs :

Ses manières toutefois se ressentaient de son ardeur et de son éducation toute pratique de la guerre et des camps ; il tranchait volontiers, frondaient parfois ses supérieurs, et oubliait qu'exigeant de ses subordonnés une obéissance passive, il aurait dû leur donner l'exemple de cette vertu.

Il use et abuse de son autorité et crée bientôt un climat détestable dans son régiment qui se trouve bientôt au bord de la mutinerie. Des plaintes s'élèvent. Une nouvelle fois il faut en référer à l'état-major. Le lieutenant-général comte de Castellane, commandant la division des Pyrénées-Orientales, écrit, le 30 décembre 1833, au sujet du 47e de ligne au maréchal de camp de Mylius, supérieur immédiat de Combe :

Général, je suis informé qu'il existe dans le 47e régiment, un mécontentement tel contre le Colonel de ce corps, que des événements fâcheux seraient à craindre, s'il n'y était porté un prompt remède.

Les soldats se plaignent d'être malmenés, même parfois battus ; samedi dernier, ils auraient été consignés toute la journée ; dimanche le régiment aurait été consigné après la parade, pour avoir mal défilé.

On ferait dans ce régiment un tel abus de l'exercice du gymnase, que les soldats seraient au moment de refuser le service sous ce rapport ; le régiment ferait l'exercice deux fois par jour, et si un des soldats se trompe, toute la compagnie serait punie. On m'a même assuré que le Colonel du 47e aurait été sifflé par ses soldats, par suite de l'exaspération qu'il excite contre lui.

Vous voudrez bien, Général, vérifier tous ces faits et me faire demain à midi, un rapport à ce sujet. Je vous prie d'exercer à l'avenir sur la discipline, la police et l'instruction du 47e régiment une exacte surveillance.
Des observations sont faites au colonel Combe ; une inspection de son régiment a lieu. Rien ne permet d'améliorer la situation au 47e de ligne. Le général de Castellane s'adresse alors au ministre de la Guerre qui lui demande de "maintenir le colonel Combe dans les lignes de ses devoirs". Se sentant profondément offensé le colonel Combe adresse, sans passer par la voie hiérarchique, une longue lettre au ministre de la guerre, le Maréchal Soult, duc de Dalmatie, l'un des héros de la Grande Armée.

Ce document, d'un style étrange et embrouillé, est révélateur de la personnalité de Michel Combe. L'officier supérieur s'y montre jaloux de ses prérogatives, blessé, et tout à la fois exalté et pointilleux. Combe s'y plaint amèrement d'avoir été puni de quarante-huit heures d'arrêts par son supérieur le général de Mylius et pose toute une série de questions au ministre telles que :

1° Un colonel a-t-il le droit dans tous les temps et lieux, de tenir à ce que ses subordonnés exécutent exactement ses ordres ?
2° L'autorité et l'action réglementaire d'un inférieur, sont-elles détruites ou suspendues, par la présence d'un supérieur ?

ou encore :

6° Peut-on rappeler un inférieur au règlement, sur une lettre anonyme, et désirer qu'on ne punisse pas lorsqu'une réclamation n'a point été adressée hiérarchiquement , sous prétexte que l'autorité en est saisie ?
9° Peut-on à la tête d'un régiment, s'emporter et dire avec humeur : sacré Régiment ! Je n'en ai jamais vu comme ça ?
10° Peut-on en punissant un chef de Bataillon, d'arrêts simples, lui faire l'injure en ne comptant pas sur sa parole d'honneur, de prescrire six jours d'avance, que les arrêts ne commenceront que lorsqu'il sera rentré à Perpignan : doublant par là la peine en augmentant l'anxiété et la souffrance ?
12° Peut-on sur 24 heures d'arrêts infligés à un officier, pour avoir empiété sur l'autorité, et qui a réclamé, faire comparaître une cantinière devant un Colonel, et sur l'observation de ce dernier, que c'était pénible et humiliant, lui répondre "mais je ne vous dis pas de rester ici ?

Ce courrier n'a pas l'effet souhaité et le Ministre note simplement en marge du document
Vu, les questions susvisées dans cette lettre par le Colonel du 47e régiment sont tellement extraordinaires de la part d'un chef de corps qu'il est difficile de se rendre compte qu'il ait pu y avoir lieu à les présenter ; toutefois comme il a dû se passer des faits quelconques qui ont provoqué ces questions tous les rapports parvenus à ce sujet seront réunis pour en être rendu compte après examen après que le comité de l'infanterie et de la cavalerie aura été appelé à donner son avis.

Le différend entre le Colonel Combe et les généraux Castellane et Mylius est donc porté devant le Comité de l'Infanterie et de la Cavalerie, sorte de conseil de discipline pour les officiers supérieurs.

Cette instance se prononce le 7 avril 1834 et rend son avis après un examen approfondi de la carrière de Michel Combe et des faits qui lui sont reprochés :

... Après avoir été ainsi conduit à reconnaître les brillantes qualités militaires qui ont fait distinguer à la guerre M. le Colonel Combe, il (le Comité) a en même tems acquis la conviction que ces qualités ont été constamment obscurcies ou neutralisées par des défauts non moins signalés. Les fautes reprochées aujourd'hui à cet officier supérieur ne sont malheureusement qu'un nouveau fait à ajouter à une longue suite de récidives ; elles ont leur origine dans un caractère violent et irascible, à la fois despote avec ses subordonnés et indépendant à l'égard de ses supérieurs ; abusant d'une part des rigueurs de la discipline pour exiger une aveugle soumission à ses volontés arbitraires et cherchant de l'autre à en éluder les règles pour se soustraire au joug de l'autorité dont il n'a cessé de se montrer impatient...

Le Comité reprend ensuite les remarques de l'inspecteur général Durrieu après sa visite au 47e :

Tout en rendant justice à la capacité et à la grande aptitude militaire de M. Combe, il le signala comme un homme qui voulait être trop indépendant ; et il ajouta que le peu d'union qui se faisait remarquer dans le 47e était dû à l'exaltation politique de son Colonel et à sa rancune contre la période de la restauration, pendant laquelle, retenu en Amérique, il a souffert dans son avancement.

En conclusion le Comité recommande que l'on retire à Michel Combe le commandement de son régiment et que l'on utilise "son aptitude et sa capacité dans un commandement de place". En résumé, en temps de paix, on ne sait que faire du colonel.

Heureusement - si l'on peut dire - il reste la guerre et, en 1835, la conquête de l'Algérie est loin d'être achevée. Le colonel Combe ne change pas d'affectation mais son régiment est appelé à faire campagne en Algérie.
Avec le 11e de ligne, le 2e léger et le 17e de ligne, il constitue le corps expéditionnaire de l'expédition de Mascara, en tout 11 000 hommes. Venant de Perpignan, le 47e et son colonel arrivent à Oran le 2 septembre 1835 afin de prendre part à l'expédition contre Abd-el-Kader et venger ainsi le désastre de la Macta.
Michel Combe commande l'une des quatre brigades sous les ordres des généraux Oudinot, Perrégaux et d'Arlanges. En avril 1836, à la retraite de Sidi Yacoub, le général d'Arlanges étant hors de combat, il prend le commandement de la colonne et rétablit la situation. La guerre est véritablement son élément comme le reconnaît le général L'Etang, commandant les troupes de la province d'Alger :

M. le Colonel Combes a une grande habitude du commandement et il l'exerce d'une manière très convenable. C'est un officier rempli d'énergie et de bons sentiments. Il s'est toujours fait remarquer à la Guerre, personne ne mérite plus que lui d'être récompensé de ses beaux et longs services.

Michel Combe se distingue encore à la Sikkak, au moment de la victoire de Bugeaud sur Abd-el-Kader. Dans le cours de l'année 1837, il souffre d'une ophtalmie et apprend la mort de son père. Profondément abattu, il envisage de quitter l'armée. Seul le retient la perspective d'une nouvelle campagne. En effet se prépare alors la deuxième expédition de Constantine.
Combe y prend part à la tête de son 47e régiment et chacun connaît la suite de son histoire. Le 6 octobre l'armée arrive à Constantine. Une brèche est pratiquée dans la muraille. Le 11, les défenseurs de la ville tentent deux sorties. Le 12, alors qu'ils examinaient la brèche, le lieutenant-général de Damrémont, chef du corps expéditionnaire et le général Perrégaux, son chef d'état-major sont tués.
Le 13 octobre, Michel Combe reçoit le commandement de la deuxième colonne. Il est grièvement blessé de deux balles à la poitrine en conduisant ses hommes à l'assaut. La ville est prise. Stoïquement, il rend compte de la situation au duc de Nemours et au général Valée puis se laisse soigner. Il meurt le 15 octobre suivant. Plusieurs récits retracent ses derniers moments mettant en relief son courage et son abnégation.
Le 16 octobre, le général Valée écrit :
Le Roi a perdu un serviteur habile et dévoué : le colonel Combes est mort hier des blessures qu'il avait reçues pendant l'assaut. C'est une perte que l'armée ressent vivement. Nous avions tous admiré son courage et son calme sous le feu de l'ennemi, au moment où il venait d'être frappé à mort.

Le "Journal de Montbrison" du 18 novembre 1837 annonce aux Foréziens la mort du colonel : "La mort du colonel Combes a été l'occasion des plus glorieux et des plus universels éloges en l'honneur de ce brave militaire, que le département de la Loire s'honorait de compter au nombre de ses enfants". Le 9 décembre 1837, le ministre adresse à sa veuve une lettre de condoléances : "La mort du Colonel Combe, objet de regrets et d'admiration pour toute l'armée, a vivement ému le Roi" . La vie de Michel Combe s'achève sur une belle image d'Épinal.

A Constantine, la victoire est chèrement payée : 97 tués (dont 23 officiers) et 494 blessés ; le 47e de ligne a 54 hommes hors de combat. Mais la prise de la ville a un grand retentissement. Elle redonne confiance aux troupes françaises et marque une étape importante dans la conquête de l'Algérie. Elle est exploitée comme telle. Damrémont a de grandioses funérailles. Quant à Michel Combe, il est inhumé à Constantine, à quelques pas de la brèche. Le gouvernement décide que son coeur sera ramené en France aux frais de l'État et qu'un buste en marbre devra être placé dans l'hôtel de ville de sa ville natale.
Les Foréziens font plus que cela. Une souscription est ouverte pour l'érection d'une statue. Elle donne, grâce à une large participation du gouvernement, 25 000 F et l'inauguration du monument que nous connaissons a lieu solennellement le 16 octobre 1839, deux ans seulement après la mort de Michel Combe. Sa veuve, Elisa Walker, reçoit à compter du premier janvier 1840 une pension annuelle de 2 000 F à titre de "récompense nationale". Mme Combe habite alors à Paris. Elle mourra, dix ans après, le 5 juin 1850, à Versailles. Le colonel ne laisse aucun descendant.

Michel Combe a été honoré - à juste titre - pour son courage mais il y a un contraste frappant entre les sévères appréciations portées par ses supérieurs dans son dossier et les louanges officielles prononcées après sa mort. Quant à ses subordonnées, il a dû certainement leur inspirer des sentiments contraires. Il a été détesté dans les moments de paix et admiré dans le feu de l'action.

Le destin de Michel Combe illustre bien les problèmes auxquels durent faire face les officiers de la Grande Armée après la défaite. Ces professionnels de la guerre, familiers de la victoire et des honneurs, sont brusquement mis au ban de la société par le nouveau régime. Ils se retrouvent, au mieux, demi-soldes, au pire emprisonnés ou exilés. Certains deviennent des soldats perdus, d'autres plus souples ou plus habiles, récupèrent vite une place...

Michel Combe fut un homme excessif, intransigeant, difficile à vivre qui eut à traverser une période agitée où un peu de souplesse aurait permis de plaire à chacun des régimes successifs. Il n'était pas capable de compromission. On doit reconnaître à ce centurion un indéniable courage et une vraie fidélité à ses convictions.

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Message par La Poudre Dim 4 Déc 2011 - 20:15

J'adore ce genre de récit !

Merci Saint Michel !

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"...Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, souriant à la mitraille anglaise, la Garde Impériale entra dans la fournaise ..."  ( V. HUGO)

"... Un homme n'est jamais aussi grand, que lorsqu'il s'agenouille, pour aider un enfant ..."

"... Il dort, quoique la vie, pour lui, fut bien étrange, il vivait. Il mourut lorsqu'il n'eut plus son ange. La chose se fit doucement, pas à pas, comme vient la nuit lorsque le jour s'en va ..." (V.HUGO. Les Misérables)
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Message par Le Clem Mer 7 Déc 2011 - 9:40

Trés bon récit effectivement. Il ne devait pas être facile à vivre le gaillard...Une pensée tout de même pour son 47 ième où la vie ne devait pas être rose tous les jours avec un chef pareil...
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